Prisonniers volontaires du rêve américain
Essai
Stéphane Degoutin
400 pages. 300 illustrations N&B et couleur. Ed. de la Villette, 2006.

Revue de presse

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Présentation de l'éditeur
Longtemps un épiphénomène, les gated communities – enclaves résidentielles privées protégées par des murs ou grilles et à l’entrée réservée aux seuls résidents ou leurs invités- prospèrent dans le monde entier. Elles ne relèvent plus d’une aberration urbaine ou de simples « ghettos pour riches » mais incarnent l’aboutissement d’une évolution, peut-être inexorable, de la ville contemporaine où la mixité et l’hétérotopie deviennent l’exception. L’ouvrage éclaire les conditions d’apparition du phénomène. Dans l’environnement incertain des mégapoles où tout est démesuré, sans qualité, et l’habitant un être nomade, le salut apparaît dans de petites communautés homogènes, où la réminiscence du village le dispute au modèle du parc à thèmes.

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Ce texte est la retranscription d'une enquête sur la manière dont se construit la ville contemporaine après la disparition de l'espace public au sens européen du terme: accessible à tous et libre d'accès. En 21 chapitres, et en changeant autant de fois de point de vue sur la question, j'interroge le phénomène troublant des quartiers fermés (gated communities), symptomatique de l'évolution de la logique urbaine.

L'expression gated community, d'origine états-unienne, est intraduisible en français. Elle désigne un quartier résidentiel entouré par une enceinte, fermé par un portail d'accès contrôlé nuit et jour, où l'on ne peut rentrer à moins d'être un habitant ou un invité, parfois surveillé, à l'intérieur, par des policiers privées. Le quartier est généralement administré par une homeowner association, sorte d'association de propriétaires aux pouvoirs étendus, qu'on a pu comparer à des gouvernements privés (l'homeowner association a notamment le pouvoir de faire un procès à un résident et de la chasser du quartier). Certaines gated communities abritent plusieurs milliers d'habitants. Les premières d'entre elles étaient conçues pour un public aisé, mais on en construit aujourd'hui à destination des classes moyennes, ce qui a permis au phénomène de prendre beaucoup d'ampleur : aux Etats-Unis, on estime que 10 millions de personnes habitent dans ce type d'environnement. Le même phénomène se développe dans de très nombreux pays du monde, en particulier en Amérique du Sud, en Afrique du Sud, en Chine, en Russie (et dans une moindre mesure en Europe, notamment en France).

Le thème évoque un univers incompréhensible pour des Européens. Lorsqu'on lit certaines descriptions de chercheurs (City of quartz de Mike Davis, Privatopia d'Evan McKenzie ou Fortress America de Blakely & Snyder...), on a l'impression de lire de la science-fiction. Les environnements décrits sont l'inverse exact de l'idéal européen de la ville. Il est d'ailleurs intéressant de noter que le thème a inspiré plusieurs auteurs et réalisateurs de science-fiction : Neal Stephenson (Snowcrash), Octavia Butler (The parable of the Sower), James Graham Ballard (Running Wild, Super Cannes…), Peter Weir (The Truman Show), un épisode de la série X-Files...

Pourtant, lorsqu'on se rend sur place, la première chose qui frappe est la banalité, cette déconcertante banalité propre aux environnements suburbains américains. J'ai voulu interroger le sentiment troublant que suscite le fait de se situer entre science-fiction et banalité, entre Disneyland et ghetto.

Les gated communities ne constituent pas une rupture avec la logique de la ville américaine, au contraire elles en sont l'aboutissement logique : environnement conçu pour la voiture, maisons vastes, sans clôtures, centrées sur l'intérieur, architecture de promoteur, rues en nouilles, culs-de-sacs, peu de piétons... Les gated communities ne sont pas anormales aux Etats-Unis, elle sont juste extrêmes. Elles incarnent l'idéal résidentiel du Rêve Américain, volonté de construire le paradis sur terre, résultat de la primauté absolue accordée au choix individuel, impliquant de choisir son lieu de résidence et son environnement social. Toute l'évolution de la banlieue américaine tend vers cet idéal; les gated communities n'en sont donc peut-être pas l'expression ultime.

Sommaire
Préface par Thierry Paquot
Introduction : la ville après l’espace public
1. Gated communities aux États-Unis
2. Gated communities à travers le monde
3. Un phénomène de masse
4. Antécédents historiques
5. Homeowner associations
6. Marketing et ségrégation
7. « Wallification »
8. Maisons-mégapoles
9. Los Angeles sans lumière
10. Vulnérabilité et réconfort
11. Communautés et American dream
12. Immigration, esclavage, ségrégation, ghettos
13. À citoyens nomades, villes jetables
14. Los Angeles : le refus de la ville moderne
15. Automobiles
16. No-go areas vs Nogoland
17. Prisonniers volontaires et prisonniers involontaires
18. The geography of everywhere
19. « Privatisation » de l’espace public
20. Parcs d’attractions
21. Micromégapoles
Conclusion : la logique du système urbain privé

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