Bookmark and Share Of Cats and Porn – Propositions/spéculations

Propositions/spéculations

Of Cats and Porn

Stéphane Degoutin, 2010. Subject: Urbanism begins at home

« The internet has two things. Cat videos and porn. »

Cet article a été publié dans Sémantique parallèle. This paper was published in Sémantique parallèle. English translation by Sophie Coulier


« Catfu ». Image via Jah Jah Sphinx

Chaque médium fait émerger des sujets qui lui sont propres. Ainsi, le roman permit-il de donner à la description psychologique une ampleur nouvelle, s’éloignant de la figure traditionnelle du héros pour faire naître celle de l’individu. Le cinéma quant à lui, par l’insistance quasi hypnotique sur le visage et le mouvement des corps fit éclater les figures masculines et féminines de la fascination, en premier lieu la femme fatale. La diffusion massive de vidéos sur Internet révèle deux figures emblématiques: les chatons et la pornographie. Cet article pose l’hypothèse d’un parallélisme entre elles et recherche le point où les deux figures se touchent. Ce point de contact, à mon sens, est révélateur des nouvelles relations entre espace public et espace privé.

Le chat ne sait pas jouer, le cinéma n’est pas un médium adapté pour lui. On imagine mal un long métrage sur un chaton (il y a une exception qui confirme la règle). La video Youtube par contre lui est parfaitement adaptée: il suffit d’être mignon pendant quelques secondes, puis de répéter cet effet avec un nombre infini de chatons. Avec Internet le chat a trouvé son médium. Chacun filme son chat, et les plus youtubegéniques deviennent des stars. Une cohérence s’instaure entre le contexte de tournage et le contexte de diffusion: le chaton est filmé dans l’intimité des intérieurs domestiques privés, puis diffusé dans des intérieurs domestiques privés.

Each medium brings up its own particular subjects. Thus the novel gave psychological description new scope, straying from the traditional hero figure to create the individual. As for cinema, it brought to light the fascination of men and women figures, the femme fatale in a first instance, by the almost hypnotic insistence on face and body movement.The massive broadcasting of videos on the Internet reveals two emblematic figures: kittens and pornography. This article suggests the hypothesis that they are much alike and seeks to determine what is it that they have in common. This common ground, in my opinion, reveals new relations between public and private space.

The cat does not know how to act, cinema is not a medium adapted to it. One hardly imagines a film about a kitten (there is an exception to confirm this rule). The Yutube video however is perfectly adapted: it only needs to be cute for a few seconds, then repeat the same effect with an infinite number of kittens. With Internet, the cat has found its medium. Everyone films his cat, and the most youtubegenic become instant stars. There is a coherence between filming and broadcasting context: the kitten is filmed in the in the intimacy of private domestic interiors, then broadcast to private domestic interiors.

Chris Marker, Cat listening to music, 1990


Cory Arcangel – Arnold Schoenberg, op. 11 – I – Cute Kittens

L’idée qu’il ait existé, à une époque récente, des salles de cinémas pornographiques nous semble aujourd’hui inconcevable: il y a une inadéquation manifeste entre le dispositif public de projection et le but secret, intime, de cette projection. Avec Internet, le sexe a trouvé son médium. Une cohérence s’instaure entre le contexte de tournage et le contexte de diffusion: filmée dans l’intimité des intérieurs domestiques privés, la sexualité est ensuite diffusée dans des intérieurs domestiques privés. Chats et pornographie révèlent l’animalité, le mouvement des corps extrêmes, l’immédiat, le physique, l’animal, l’altérité: tout ce qui manque encore à la société connectée en réseaux. Chatons idéaux et corps disponibles se multiplient dans une illusion d’accessibilité immédiate, à la fois rendus présents par l’image et mis à distance par elle.

Jusque récemment, la pornographie consistait à montrer ce qui est caché.

Aujourd’hui, le genre se rapproche des vidéos de chatons que l’on trouve en masse sur Internet. Tournées dans des intérieurs Ikea, les vidéos porno montrent des atmosphères banales, domestiques, quotidiennes. Elles mettent en scène des semi professionnels ou des amateurs, présents à l’écran avec le même naturel, la même indifférence sur Youporn que les chatons anonymes sur Youtube. Impossible de savoir dans quelle région du globe a été filmé ce chat griffant un fauteuil Boliden, ou cette jeune blonde sodomisée sur un canapé Ektorp. A-t-on jamais reconnu dans la rue l’auteur de l’une de ces vidéos de chatons, ou l’une des jeunes filles ayant fait l’amour devant une caméra? Ces vidéos parfaitement génériques, tournées n’importe où dans le monde, regardées partout / n’importe-où, témoignent de l’étalement absolu, de la perte définitive de l’importance de la localisation (à ne pas confondre avec la perte du centre qui, elle, est un mythe).

The idea that pornographic cinema may have existed recently seems inconceivable today: there is a manifest discrepancy between the public projection device and the secret, intimate, aim of this showing. With the Internet, sex has found its medium. Filming and broadcasting context are now coherent: filmed in the intimacy of private domestic interiors, sexuality is then broadcast to private domestic interiors.

Cats and pornography reveal the animal, the movement of extreme bodies, the immediate, the physical, the otherness: all qualities absent in the network connected society. Cutest kittens and available bodies multiply in an illusion of immediate accessibility, made visible by the image and put at distance by it.

Until recently, pornography consisted in showing that which is hidden.

Today, the genre is closer to kitten videos that we find massively on the Internet. Filmed in Ikea interiors, porn videos show trivial, domestic, daily atmospheres. They show semi-professionals or amateurs, present on screen with the same natural air, the same indifference on Youporn as the anonymous kittens on Youtube. Impossible to know where in the world this kitten scratching the Boliden armchair was filmed or where this young blonde was sodomised on the Ektorp sofa. In the street, have we ever recognised the author of one of these kitty videos or one of the girls who had sex in front of the camera? These perfectly generic videos, filmed anywhere in the world, watched everywhere/anywhere, bear witness to the spreading of information, the definite loss of the importance of localisation (not to be confused with the loss of a centre, which is a myth).


Image via Jah Jah Sphinx

Multipliées indéfiniment, les vidéos de Youtube / Youporn génèrent une célébrité indifférente. Rien à voir avec la célébrité des stars du X. Le quart d’heure de célébrité warholien lui-même est bien loin, réduit aux 17 secondes de Surprised Kitty. Mais ces 17 secondes connaissent un écho gigantesque: recopiées sur des sites miroirs, commentées des centaines de milliers de fois, diffusées partout dans le monde, elles resteront disponibles sur les réseaux sans doute pour l’éternité.Il ne s’agit pas ici de célébrité, mais bien de disparition du privé. Tout est public, visible et enregistré: votre chaton comme votre sexualité. Le mouvement est inéluctable, à mesure que l’on développe des caméras miniatures, les proxys, et que les technologies rendent possibles des outils d’espionnage à la portée de tous.

Dans les années 1990, le débat sur la ville était marqué par la question de la disparition de l’espace public, menacé de toutes part (par sa privatisation, sa surveillance généralisée, sa disparition dans le virtuel…). Les années 2000 quant à elles, avec le développement des réseaux de communication numériques, ont vu émerger la question de la disparition de l’espace privé. Il est soumis à son tour aux mêmes menaces: privatisation, surveillance généralisée, disparition dans le virtuel.

Se peut-il que disparaissent simultanément, et selon les mêmes processus, l’espace public ET l’espace privé, ces deux pôles en équilibre autour desquels s’organisaient les sociétés modernes? (cf. ici et )

Peut être espace public et espace privé ne se définissent-ils plus en opposition l’un par rapport à l’autre, mais tendent-ils à fusionner. Tandis que l’espace public se privatise, l’espace privé se « publicise », devenant tellement visible sur les réseaux sociaux qu’il n’est plus privé.

Comment imaginer l’espace résultant de cette fusion entre public et privé?

Indefinitely multiplied, Youtube/Youporn videos generate an indifferent celebrity. Nothing to do with the celebrity of porn stars. The Warholian 15 minutes of fame is far off, reduced to the 17-second Surprised Kitty. But these 17 seconds have a huge impact: copied on mirror sites, commented on hundreds of millions of times, broadcast everywhere in the world, they stay available on networks, no doubt for eternity.

It is not even a question of celebrity, but the disappearance of privacy. Everything is public, visible and saved: your kitten and your sexuality. The movement is inevitable, as miniature cameras and proxies are developed, and as technologies make it easy to spy on anyone.

In the 1990s, the debate on the city was influenced by the question of disappearing public space, threatened on all sides (by privatisation, its general surveillance, its virtual disappearance…). After the year 2000, there was a development in communication networks which led to the disappearance of private space. It is threatened by the same elements: privatisation, general surveillance, virtual disappearance.

Can it be that both public space AND private space, these two elements that harmonise and organise modern societies, are simultaneously disappearing, because of the same processes?

Perhaps public and private spaces are no longer defined in opposition to each other, but tend to merge. While public space is privatised, private space is « public-ised », becoming so visible on social networks that it is no longer private.

How can we imagine the space resulting from this fusion between public and private?



Public and private space occurrences in english books from 1900 to 2008, according to Google Books Ngram Viewer.


Image via Jah Jah Sphinx


Image via Jah Jah Sphinx


Image via Jah Jah Sphinx


Image via Jah Jah Sphinx


Le site Kitten War propose aux visiteurs de voter pour le chat le plus mignon, sur le modèle des sites tels que Hot or not.


Source

Voir aussi
Stéphane Degoutin et Gwenola Wagon, Paul Otlet et la transcendance cosmique des chatons
Kathleen McAuliffeHow Your Cat Is Making You Crazy (via Jean-Noël Lafargue)
Cyriaque Lamar, Even in the 1870s, humans were obsessed with ridiculous photos of cats (via Thomas Cazals)
Strange Stuff And Funky Things, L’empreinte des chats dans l’histoire

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