Bookmark and Share Trolley Parks – Propositions/spéculations

Propositions/spéculations

Trolley Parks

Stéphane Degoutin, 2009. Subject: Enlarge your Pleasure Zone

A partir du 19e siècle, les compagnies de tramway américaines construisent des parcs d’attractions au bout de leurs lignes, les « trolley parks« , pour susciter du trafic et rentabiliser leurs infrastructures.

Le trolley park inverse l’attractivité de la ville: le meilleur emplacement pour une attraction urbaine n’est plus au centre, mais au contraire, le plus loin possible de la ville. Il faut échapper à la ville pour créer un ailleurs, pour s’abstraire de ses usages, de ses contraintes financières ou immobilières. Une nouvelle logique urbaine émerge, qui peut rivaliser avec la logique du centre: celle des attractions périphériques.


Palisades Amusement Park (sur la falaise), derrière le terminus d’Edgewater. Source

Les attractions mécaniques sont fabriquées par la même entreprise qui a fait le tram, elles utilisent les mêmes techniques que les trolleys eux-mêmes, mais elles sont devenues aussi folles et sauvages que les machines de transport et de production se voulaient rationnelles et régulières: les dénivellations, les vitesses, les rayons de courbure, les trajectoires deviennent exubérantes. Les éléments qui constituent le monde « normal », qui font la ville et la société urbaine, sont devenus fous. Ils se retrouvent dans une configuration chaotique.

En allant au bout de la ville, par le moyen de urbain quotidien, l’homme du 19e siècle sort de la logique humaine/urbaine pour se retrouver à l’intérieur même de la machine. Le trolley park détourne les machines de la ville et renverse leur finalité. Privées de leur fonction d’origine, elles échappent à leur logique fonctionnelle et servent maintenant à propulser les corps en tous sens, à les faire tourner, tomber, voler: tunnel of love, magic wheel, roller coaster


Eldora Park. Source.

Le trolley park mécanise les usages de la vie en société. Il mime et caricature les caractéristiques de la vie sociale urbaine policée.

L’art de la promenade, d’origine aristocratique, reposait sur le maintien du corps. La promenade mécanisée du roller coaster (montagnes russes) en constitue l’inversion radicale: le corps ne peut plus être maintenu; il perd son équilibre naturel et doit s’abandonner à celui de la machine.


« Pipe », « Barrel of fun » (Coney Island, 1942 – source) et « Human wheel » (Coney Island).

La magic wheel (roue humaine) et le tunnel of love sont l’inversion radicale de la rencontre civilisée. Le corps perd son équilibre naturel et retombe, impuissant, sur d’autres corps, propulsés les uns sur les autres, dans une danse mécanique orgiaque de contacts aléatoires, qui rappelle l’abandon de la transe des danses dites « sauvages ». Les trolley parks singent la transe de la métropole moderne.

Ces attractions sont fondées sur le principe de l’abandon. Libéré par la mécanique, le corps se retrouve forcé dans des positions inédites, poussé contre d’autres corps, et jouit de cet abandon à une puissance artificielle qui le dépasse. La machine utilitaire devient machine à fabriquer le plaisir.

Espace fantasmatique et à distance, le trolley park donne de la ville industrielle son antidote. Il remplace le maintien par l’abandon, l’urbanité par le choc aléatoire des corps.

Ce double devient l’une des dimensions de la ville moderne. La ville n’est plus un ensemble unitaire, cohérent, résultat d’une sédimentation historique. Elle se retrouve en concurrence avec la ville instantanée du provisoire et du plaisir. Elle possède dorénavant une logique bipolaire, schizophrène. Le trolley park est l’ancêtre des satellites urbains et autres micromégapoles.


Idora Park, àl’abandon. Source.


Une « Roue humaine » à Magic City (Paris)

Bonus: the Euthanasia Coaster by We make money not art

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